Un jour un journaliste a dit que le monde est partagé en deux camps inégaux : d’une part il y a ceux qui ne connaissent pas Jan Svankmajer, de l’autre ceux qui, après avoir vu un de ses films, savent qu »il appartient à la classe des « grands cinéastes’ qui ont du génie.
Jan Svankmajer est non seulement un des plus grands cinéastes tchèques, mais aussi une référence dans le cinéma d’animation mondial. Ses techniques d’animation artisanales (car il reste réfractaire à l’animation par ordinateur), ses univers magiques et surréalistes ont influencé un grand nombre d’artistes et de réalisateurs. Les Frères Quay et Tim Burton pour ne citer que eux.
Après des études et des expériences dans le théâtre, dont deux ans au sein de la Laterna Magika (1), c’est en 1964 qu’il réalise son premier court-métrage, The Last Trick, qui mélange des jeux de masques - selon une technique particulière issue du Black Theatre (2) - à des jeux d’ombre et de lumière, et de l’animation d’objets.
Depuis, Svankmajer a réalisé presque une trentaine de courts et quatre longs métrages (« Alice », « Faust », « Les conspirateurs du plaisir », et « Otesanek »). L’animation d’objets, mais aussi de matières (argile, terre, métal, bois, ...), sa capacité à donner vie et âme à des corps qui organiquement n »en ont pas, sont devenus des traits distinctifs de son cinéma. Souvent les objets qu »il met en scène n’ont en apparence rien d’extraordinaire. Ils sont vétustes, usés, dépareillés . Et pourtant, c »est bien là que réside le savoir-faire de Svankmajer, car sous sa baguette magique chacun de ces objets semble s’animer d’une vie presque surnaturel. Selon ses dires, cela touche un peu à de la « magie ».
Ce même état d’esprit se déploie aussi dans d’autres domaines dans lesquels oeuvre Svankmajer, car ce maître est aussi sculpteur, céramiste, dessinateur, poète,... et membre actif du groupe surréaliste Tchèque.
Depuis quelques années, et surtout avec les longs métrages, Svankmajer explore aussi le terrain du cinéma avec acteurs, souvent en y intégrant le cinéma d’animation. Le résultat est à la fois surprenant, étrange, quelques fois bizarrement déroutant. Ces sentiments étant renforcés par les thèmes que Svankmajer aborde : l’inconscient et subconscient humain, qu »il soit enfantin ou adulte.
(1) Laterna Magica : compagnie de théâtre pragoise, de rénommée internationale, qui explore l’interaction entre théâtre et images filmiques ; pour l’anecdote : celle-ci fût créée pour le Pavillon tchécoslovaque de l’Exposition Universelle de Bruxelles de 1958
(2) Black Theatre : autre compagnie pragoise, inspirée de la Laterna Magika, qui utilise un fond noir sur lequel se découpent des objets, ou des masques, qui paraissent s’animer seuls.