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Anthropologie

J’ai abordé le Nova comme anthropologue. La question commune entre Nova et moi et beaucoup d’autres...

J"ai débarqué au Nova il y a un an et demi, avec des idées fixes, des idées d"anthropologues. L"idée principale était d"étudier le "PleinOPENair" : comment ça fonctionne ? Comment peut-on, l"air de rien, bricoler un espace éphémère au coeur de la ville et par là tenter de construire un regard sur cette ville ? Comment peut-on, en même temps être subventionné pour cela et s"inscrire dans ce qu"il faut bien appeler une critique de la ville en train de se faire, une critique ou un ralentissement. Se mettre en plein milieu de tensions urbaines ­ dans des trous, mais pas n"importe lesquels, évidemment ­ presque "naïvement", en faisant simplement une projection. Vu de très loin, cela ressemble à de l"animation urbaine mais dans les pratiques de construction de l"affaire, tout nous en éloigne. On verra.

Cette idée fixe mène à d"autres idées fixes : il faut bien entre autres se demander quels sont les types d"énergumènes plus ou moins indigènes qui par diverses actions, massives ou discrètes, rendent possible ce truc. Un anthropologue a la fâcheuse habitude de présupposer une cohérence d"actions des groupes par rapport à leurs réalisations. La plupart du temps, cette cohérence construite facilite sa tâche d"écriture. Si des contradictions pointent dans le groupe et si notre anthropologue est sensible à ce genre de soucis, il peut s"en tirer au prix de la fabrication d"une "vision du monde" unifiante, finalement fort proche d"une sorte de subconscient. Ainsi a-t-on pu décrire "les Dogon", "les Masaï", "les Bambara" d"une traite avec "leurs logiques d"action", "leurs rituels", bref "leur" culture : le Sigi comme représentation dans l"espace de la cosmologie Dogon (voir Rouch). C"est comme cela que les anthropologues ont longtemps inventé des descriptions. Ce n"était ni faux ni vrai, simplement des récits d"un genre particulier avec des effets particuliers dont l"un des plus intéressants est l"inquiétude propagée à propos de la fameuse "société occidentale" : comme cela, on n"était plus si sûr que nous occidentaux résumions l"horizon de ce qu"était l"Homme. Pour ce faire, on interrogeait les "anciens", on décelait un système de transmission, en tentant de stabiliser le récit jusqu"à confondre stabilité du récit et stabilité sociale.

C"est toute cette ambiguïté de l"anthropologie qui vola joyeusement en éclat au contact de "Nova" puisque l"Autre semble perpétuellement au sein du groupe au lieu de l"incarner en un bloc extérieur. D"où l"insistance lors de mes conversations sur des phrases du type "Bon, on essaye de faire ceci ou cela mais là, c"est mon point de vue. Si tu vas voir X [par exemple], il te dira sans doute autre chose". Et X dit effectivement autre chose mais c"est son point de vue. Et ainsi de suite. Et pourtant il se dégage un "effet Nova", un "genre Nova" difficile à nier et une salle qui fonctionne depuis quelques années on ne sait trop comment. Pauvre naïf, je pensais qu"elle était largement subventionnée, qu"il y avait des "travailleurs". Je pensais aussi que mon objet d"études, PleinOPENair dont c"était la septième ou la cinquième version (selon les personnes sollicitées) avait une existence garantie. "Tu sais, PleinOPENair, on n’est même pas sûr de le faire, cette année". Pas pour des raisons de temps, d"argent mais au prix d"une certaine "indécision active". Comment cette salle d"où sort une série d"actions dans la ville, dans des festivals de cinéma, des réflexions sur le cinéma lui-même, un souci de faire sortir du "caché" vers un public pouvait-elle bien tenir ? Est-ce une asbl ? Pas de président, de trésoriers ou de secrétaires identifiables mais des "tâches". Je savais par ailleurs que les "nouvelles entreprises" avaient tendance à dire qu"elles fonctionnaient comme cela à condition d"oublier bien sûr l"actionnariat, la sous-traitance, les fermetures unilatérales, l"indifférence à produire un public ou la volonté de l"étouffer, à condition d"oublier tout sauf leurs slogans. Peut-être est-ce cela qu"elles rêveraient de canaliser.

Envoi

Alors, je m"incruste timidement dans les "retraites". C"était quoi les retraites ? En gros, une façon de se demander ce qu"était Nova, en contactant les "bénévoles" en tout genre, c"est-à-dire ceux qui occupent des tâches ponctuelles ou journalières : plus de quarante personnes, si j"ai bien compris. Et voilà que tous les problèmes de l"anthropologie se posent : celui de la transmission, celui de la hiérarchie, celui des décisions, celui de l"objet des actions. Quel bordel ! Comment peut-on décider ? Qui est légitime pour le faire ?

Le problème n"était pas tout à coup de décider ­ ça s"est toujours fait ­ mais le nouveau est de tenter de "formaliser", formaliser mais pas n"importe comment, pas pour que ce soit "juste pratique" ce qui serait une horreur mais pour que chaque participants s"y retrouve, y retrouve son Nova. Une sorte d"arbre à palabres, peut-être. Des pages de notes, au moins trois week end de mise au vert. Sélections.

Question 1 : qui est membre ?

Mon Dieu, si la sacro-sainte carte de membre ou son corollaire "cotisations" n"aident pas à y voir clair, pas plus que la fiche de paie, qui peut le faire ? La mailing liste des bénévoles peut aider et finalement est membre tout qui s"implique dans le projet. Oui mais, c"est quoi un membre ? N"y a-t-il pas des membres "irresponsables" ? De vrais questions de concile. Comment s"en sortir ? En inventant des techniques, à savoir des lieux de réunions aptes à partager certains types de tâches et fonctionnant à des rythmes différents, rythmes qu"il vaut mieux suivre pour y intervenir : des réunions d"orientation générale pour tenter de délimiter des orientations générales justement, des réunions de gestion, des réunions de programmation... Mais justement, allons à la question suivante.

Question 2 : qu"est-ce qu"une (bonne) programmation ?

Ce n"est pas décliner six films d"un réalisateurs sur deux semaines ou s"intéresser à l"emploi de la couleur rouge dans le cinéma italien des années 1970. Non, ce n"est pas ça. Ce n"est pas non plus simplement une thématique. Ce n"est pas que montrer des films peu diffusés. Ce n"est pas directement lié à des problématiques politiques. "Ce n"est pas" beaucoup de choses, une programmation ! C"est un projet à l"intérieur du projet dont les contours et les acceptations collectives sont difficiles, longues, douloureuses parfois. Comment favoriser cet acte créatif bizarre ­ programmer, c"est-à-dire, je crois, rendre possible une rencontre réelle et "interne" entre films ­ avec tout ce que cela suppose d"éclosions de singularités avec la possibilité d"exclure certaines programmations. Il n"est évidemment pas possible de préétablir des critères clairs autres que ceux qui se "sentent" ou se construisent au fil des réunions. Quand un nouveau programmateur peut-il se sentir apte à cet exercice (rite de passage ?) ? Seront-ce les plus tenaces qui réussiront à la faire passer, les gens les plus habitués à présenter un projet, à rechercher les films ? Sans doute en partie ­ être dans l"ambiance ­ mais in fine, c"est la rencontre-tension de l"exigence et du collectif qui est en jeu. On la retrouve aussi ailleurs, dans certains groupes de recherche . Un risque, un danger d"étouffement sous l"ambiance. Pas de réponse. Anthropologie politique.

Question 3 : comment transmettre ? qu"est-ce qu"une frontière ?

Nova est un lieu, un milieu exigeant, si l"on veut prétendre à en occuper, par moments des positions centrales, un lieu qui "n"est pas que" ceci ou cela, (ni qu"une ouverture sur la ville , ni que du cinéma, encore moins un lieu obligé à éternellement bricoler sa survie au milieu de la précarité sociale de ses "bénévoles"). Tout cela participe de l"exigence et déchaîne les discussions : ce n"est pas parce qu"on est des "pas que" ou des "pas ... plein de choses" qu"on oscille entre fourre-tout et anti-définition. Mais alors qu"est ce qui fait la différence ? Y a-t-il la possibilités de sortes de modes d"emploi, de modus vivendi suffisamment précis pour être transmis ? et comment ? par des "parrains", des "papiers", un centre d"archives en ordre, des "PV", une réorganisation des lieux ? Le problème c"est quoi ? Pas l"engouement, sûrement pas, mais la possibilité de rentrer dans le cercle central, dans le "bureau", finalement, de s"inventer des tâches, de récolter des bribes d"info, de recomposer et de se soumettre au test de l"engouement de quelques autres ­ pas tous, sûrement pas, horreur ­ mais au moins de quelqu"un du noyau hyperactif. Hors de cela, peu de salut. Les gens du Nova se connaissent bien, connaissent trop bien ce qu"ils ont à régler et sont pas là pour amuser la galerie. J"avais commencé par tenir le bar mais tenir le bar, c"est quoi à part rien dans ce cadre de l"engagement, de l"apport nécessaire au coeur du projet. Les éventuels nouveaux venus sont supposés avoir les tripes de s"imposer ­ô combien éloigné de la position de l"anthropologue ­ de proposer quelque chose qui fasse écho. Pas question de les abaisser à les prendre par la main. Mais ne laisse-t-on pas des gens concernés sur le côté ? Ce genre de questions, je me souviens qu"elles devenaient cruciales à la longue du mouvement étudiant, par exemple. C"est une forme de frontière, de limite du groupe, floue et perméable, fabriquée au fil du temps, fortement socialisée mais qui fonctionne comme fonctionnent les frontières : éviter la transparence totale, signe de dilution. La gestion sociale de cette frontière, ça c"est un enjeu pour anthropologues. Comment avoir prise, prendre le temps d"avoir prise, sur son propre type de frontière plutôt que de crier à la transparence, la transparence, vieux fantasme du marché, ou un corollaire, la communication généralisée et permanente, entre repositionnement catholique et Parlement Européen. Gérer sa frontière en connaissance de cause. Car le "noyau" s"y épuise aussi et l"on ne peut jamais être sûr que les difficultés de transmission ne soient pas le bon prétexte permettant d"être "du Nova" dans la position de l"éternel Cassandre. Ne pas produire des Cassandre. Faire des Cassandre un noyau. Nova, une machine à théories aussi.

Question 4 : réflexivité

Qu"est-ce qu"une anthropologie peut y ajouter sinon, comme elle devrait chaque fois le faire, une histoire à raconter ? Elle te plaît, tu la prends ; elle te plaît pas, je la garde. Avec un souci cependant : réflexivité, auto-évaluation, comment ne pas devenir abstraits, comment ne pas y rester coincés dans la contemplation d"apparents paradoxes, d"irréductibles tensions ? Comment éviter de vouloir faire de l"expérience ­ Nova, un modèle idéal et général ? dont le pire serait qu"il soit "trouvé", susceptible, comme dans les entreprises par exemple, de s"imposer partout ailleurs, pourquoi pas avec l"appui des pouvoirs subventionnant ? Comment ne pas sombrer non plus dans les entre-accusations ? Comment inventer des techniques ? C"est peut-être une piste pour définir ce qu"est une "pause active". Ralentir mais pas tout arrêter dans le torrent des questions. Je ne sais pas. L"enjeu me semble important : garder les doutes, les questions sur ses propres effets en même temps que de garder le souci d"avoir des effets, d"oser tenter des choses sans rester coincé sur "ce qu"on est". Bourdieu demandait aux sociologues d""objectiver les conditions de sa subjectivité" mais cela avait comme effet, tout en admettant une forme de relativité, de surtout maintenir la position du sociologue intacte, qui serait, après cet exercice ou grâce à lui, si sûr de ses paroles qu"il peut devenir statique, puis juge pamphlétaire du monde et finalement peu transformable : c"est quelque part remettre en scène la logique militante orthodoxe.

PleinOPENair, co-organisé avec City Mine(d) , d"autres lurons compagnons de route, n"avait pas directement avoir avec tout cela. Sur place, au montage, cela s"organise, on trouve à s"occuper, on demande aux plus habitués. Mais PleinOPENair n"est évidemment pas le Nova même s"il est visible par un très grand nombre. Les films sont plus abordables et c"est mieux subventionné. Mais pas question de chercher la facilité, ce n"est pas que le succès de foule qui intéresse : pas de chapiteaux, pas de lieux servis sur un plateau mais une façon de se faufiler dans le jeu des autorisations, d"administrations communales ou régionales, des conflits urbains, dans le jeu des parcours urbains, aussi. Grande connaissance de Bruxelles, faire sortir une autre ville, le temps d"une suspension en musique, en images. "Ici il y a un problème !", "Ici, il y a moyen de faire plein de choses", "Ici, c"est indéfinissable", grain de sable. Scénographie. Puis des films, des films sur des lieux, imaginer des effets d"ambiances avant tout sonores et visuelles, attendre, toujours inquiets de la météo. Cela pourra-t-il avoir lieu ? Une quarantaine de "bénévoles". Y associer des groupes, des luttes urbaines, comités ou architectes, artistes qui pourront former PleinOPENair dans leurs propres parcours (diSturb, IEB, BNA-BBO, Pantalons, AQL, etc.) sans leur demander d"ailleurs d"être d"accord entre eux. Machine à tisser. Tout l"opposé d"une vache.

Nova le signe et cela peut agacer Nova d"y être réduit. Cela peut aussi agacer Nova d"être qualifié d""underground", de "squat", de cinéphiles élitistes, de flamands ou de francophones.

Questions 5, 6,7... (plus générales)

Mais Nova n"est pas Nova. Nova est un de ces lieux connus des Bruxellois concernés par le cinéma, leur ville ou la "politique" en général. Un lieu circonscrit dans l"espace ­ une salle. Mais un lieu poreux, d"une part parce qu"il est traversé par des gens porteurs d"autres actions, ailleurs (collectifs, associations, artistes, etc), d"autre part parce que, à partir de ces traverses, il vise justement à avoir des effets, à produire une différence ailleurs (dans le cinéma, dans la ville) : en déséquilibre, il oscille donc entre relais d"aspirations portées par ses "membres" et point d"impulsion, bref tente faire passer son hétérogénéité en spécificité, de dégager des "effets Nova" qu"une salle seule ne peut garantir. C"est dans ce passage qu"on prend peut-être le temps de composer, de faire se rencontrer les diverses préoccupations. C"est sans doute une donne partagée par beaucoup d"autres groupes, lieux, associations voire parfois partis (?). On y retrouve des questions posées dans ou en marge des Forums Sociaux, dans différents collectifs et ailleurs encore ; elles peuvent même pointer dans des syndicats ou des appareils d"Etat (tout arrive). Toutes ces expériences répandent en notre sein et non plus seulement comme "société en général", l"inquiétude répandues par les "histoires de primitifs" : on n"est plus si sûr de former un intérêt général simplement parce qu"on pense partager un lieu, de vagues avis communs. On est maintenant très loin des entreprises citées plus haut, on se tient prêt aux recompositions.

Ce problème se pose quasi quotidiennement dans Nova. Peut-être est-ce en raison de son principal objet, le cinéma. Comment monte-t-on un film ? En décidant par avance de toutes la trames, de tous les détails, ou en faisant se rencontrer des scènes, des situations, en laissant aux scènes avec tout ce que cela implique de techniques, de pratiques différentes, jamais totalement sûres de ne pas s"y diluer, la possibilité d"une pensée concrète.

Au vu de tout cela, si les subventionnements n"augmentent pas, c"est à n"y rien ­ ou à y trop ­ comprendre... Mais l"on croit savoir que la position des subventionnés doit, elle aussi, être travaillée sans relâche pour éviter de devenir le simple relais d"un État social ou culturel actif qui, parfois avec les entreprises, ne demandent pas mieux que les gens se prennent en charge à peu de frais, dans le sens d"une joyeuse animation urbaine dépolitisée et sécurisée, au prix d"une concurrence chiffrable et transparente au ... plus impliqué". Là aussi, il y a urgence.

David Jamar, grippé - Centre de recherche urbaine

1. Une étude anthropologique n"est intéressante que dans la mesure où ses descriptions permettent d"obliger à un point de vue sur la discipline : c"est peut-être égocentrique mais c"est la seule manière d"éviter durablement l"idée d"un point de vue de laboratoire.
2. Du moins lorsqu"ils ambitionnent encore de faire quelque chose, c"est-à-dire autre chose que simplement « être chercheurs », qu"ils pensent avoir des questions à poser aux relations Université/monde extérieur, au système de la recherche, etc.
3. Nova est plus ou moins né des suites de l"occupation d"Hôtel Central un autre moment de rencontres d"hétérogénéités (monde culturel alternatif, comités de quartier, occupations, politique, etc.). S"y noueront des contacts entre ancêtres du Nova, le Beurs, ancêtres de City Mine(d) et plus tard l"initiative d"occuper une salle qu"il avait fallu déblayer, aménager, rendre accessible entre la toile, un projecteur récupéré et la poussière ; un mythe de fondation qui la pose directement au milieu des questions et transformations urbaines. Que fait-on des chancres bruxellois ?
4. Parler de City Mine(d) demanderait pas mal de développements. City Mine(d) et Nova ne fonctionnent pas du tout de la même façon quoiqu"ils soient capables de co-organiser et que des questions y soient communes. Il semble cependant impossible de « juger » l"une du point de vue de l"autre : ne pas faire de Nova un modèle.



"Triste sort alimenté par l’apparent désintérêt des élus pour l’architecture et l’urbanisme, par l’inexistence d’un débat officiel constructif. Sans pour autant vouer au diable "l’officiel", PleinOPENair soulève quelques questions salutaires à faire entendre, au quotidien, aux habitants ou aux passants. Renouvelle leur regard aussi en investissant des lieux désertés : hier tel terrain vague symptomatique de l’état de la ville, aujourd’hui par exemple la Tour Lotto, promise comme quelques autres à la décapitation sans égard pour ce patrimoine moderniste du début des années 60 ... et surtout au profit de quoi, de qui, sinon vraisemblablement de bureaux avec atrium, pastichant le passé pour "plaire au peuple" ? La philosophie est là, dans ces questions à (se) poser, ces débats à mener, cet avenir pour une ville qu’on aimerait continuer à aimer (...).
("Des cieux, des sites", Marie Baudet, "La Libre Belgique", août 2002)

"Chaque année, se pose à nous la même question : "un PleinOPENair, ou des vacances ?" (...) Les 100 à 200 personnes que ce cinéma itinérant drainait par soirée en 1997, sont dix fois plus nombreuses aujourd’hui. Le public s’agrandit... Le PleinOPENair doit-il grandir avec lui ? Lui faut-il d’avantage de chaises, une sono plus tonitruante, une toile grande comme celle du Drive-in, des musiciens plus prestigieux, une garderie, un souk digne de Couleur Café, des scouts pour nettoyer les terrains ? Pourquoi pas un feu d’artifices ? Et des sponsors pour financer le tout ?
Arrive ensuite le second paradoxe : Bruxelles continue sa longue métamorphose et "le terreau naturel" du PleinOPENair, ces terrains vagues et pleins de potentialités dont la ville était si fertile, se rétrécit un peu plus chaque année. (...)"
(Nova #66, août 2003)

"Bruxelles la ville-gruyère, c’est fini. Ou presque. Regardez autour de vous : les chancres se pomponnent, les terrains vagues se comblent et font place à un espace public encore plus étriqué. Dans l’actuelle "revitalisation" urbaine, c’est un peu de la raison d’être du PleinOPENair qui disparaît. Comment vous faire découvrir les terra incognita de la capitale quand chaque recoin est aujourd’hui planifié, exploité et médiatisé ? (...)
Heureusement la politique urbaine bruxelloise étant ainsi faite, construire ici ne veut pas dire résoudre ou finaliser. Comme l’affirme une palissade "cache-chancre" du centre-ville : "la bêtise serait de vouloir conclure" ! Il s’agit plutôt à chaque essai de créer de nouvelles avaries, de nouvelles absurdités.
Alors que nous fêtons les 50 ans de la jonction Nord-Midi, la leçon de l’urbaniste abstrait et du promoteur calculateur semble encore loin d’être assimilée. Au Midi, les même catastrophes urbaines, avec les mêmes méthodes de pirates sont commises aujourd’hui. La naïveté en moins, le cynisme en plus. (...)
Tenter un regard un critique sur cet élan enthousiaste (et pour certains, lucratif) vers une ville plus lisse, plus européenne, plus bourgeoise, plus anonyme et plus médiocre. La promotion immobilière jubile, les horreurs architecturales bourgeonnent mais les nuits d’été restent les plus douces. (...)"
(Nova 57, août 2002)



À propos de quelques termes ou notions évoqués dans cet article

COLLECTIF ?

"Au Nova, le contrôle interne ne s’effectue pas sur les formes de discours, mais plutôt sur une forme de qualité, de responsabilité assumée et partagée. Il ne s’agit pas de trouver des formes de synthèses mais de s’entendre sur une série d’objectifs généraux. Les projets sont acceptés sur cette base mais une fois acceptés, une autonomie quasi entière est laissée aux tenants du projet et assumée par l’ensemble de l’équipe. Cela ne signifie pas l’absence de désaccords : ils sont au contraire très nombreux, mais ils ne doivent pas être "dépassés" avant les actions".
("PleinOPENair, une production particulière d’un interstice urbain à Bruxelles", David Jamar, Paris, 2002)

GRATUITE

"Si les personnes qui fréquentent le Nova ou qui utilisent la carte de droit aux transports (du Collectif sans ticket) ne saisissent pas tous les enjeux des démarches de ces deux groupes, il convient néanmoins de reconnaître que les espaces gratuits créés, de manière temporaire et manifeste avec les free zones ou le PleinOPENair, de façon plus durable et patente avec le Nova, peuvent contribuer à favoriser la rencontre et la convivialité dans la ville, sur le mode de pratiques solidaires et désintéressées, et participer de ce fait à tisser les liens d"une communauté locale, surtout si ces lieux éphémères ou permanents sont accessibles et ouvert à tous".
("La résistance aux codes culturels dominants comme moyen de lutte anticapitaliste dans la société postmoderne", Florence Dufaux, Faculté des Sciences Sociales, Politiques et Economiques, ULB, 2002-2003)

ESPACE PUBLIC

"L’espace public", comme idéologie inscrite à la fois dans les esprits et dans les formes, la publicité, l’architecture, l’urbanisme, constitue un horizon difficilement pensable parce qu’il tend peu à peu à constituer le cadre même de toute pensée et de toute "intervention", qu’elle soit politique ou artistique. Loin d’être conçu comme un lieu où s’opposent des points de vue et des intérêts souvent irréconciliables, pourvus de poids sociaux inégaux, s’exprimant dans des formes qui n’ont pas toutes le même degré de légitimité, "l’espace public" est le lieu du consensus, du "débat", de la "participation citoyenne", de la liberté de choix. Mais liberté de choix dans l’éventail des choix préalablement défini, "débat" autorisé dans la mesure où il ne déborde pas des limites du consensus, "participation citoyenne" dans les formes socialement admises. En fait cet "espace public" ressemble furieusement à une exposition de vaches sponsorisées, le public étant appelé aux urnes pour faire valoir ses "préférences", de la même façon qu’on lui reconnaît la liberté de choisir son yaourt préféré parmi une gamme infinie...".
("Attention : une vache peut en cacher une autre", journal "Fart on co’s", 2003)

LOCAL/GLOBAL

"Le local, c’est le global à petite échelle. Paradoxalement, une expression politique possible germe dans le local. C’est l’espace habité. Les villes se recomposent perpétuellement, elles évoluent vers une inter-communauté sans origine majoritaire. L’urbain métissé est un monde à vivre. La reprise politique de l’espace de vie est une constitution de soi et de la collectivité. (...)".
("Déclaration de l’Ambassade Universelle", Bruxelles, 12/12/2001)

CONTRADICTIONS URBAINES

"Il manque un projet commun pour la ville, il n’existe pas une identité propre et les nombreux constructeurs de passerelles se heurtent inexorablement à une logique institutionnelle en contradiction avec leur pratique (...). La construction de nouvelles relations et de réseaux humains sont vraisemblablement "trop en avance". Trop en avance par rapport à la littérature législative actuelle".
("Quelques initiatives bruxelloises non-entendues", BNA-BBOT, PTTL, Projection Caliban, Les Bains-Connective, T-slag/Poing R, Firefly, City Mine(d), Beeldenstorm, Dito-Dito, Elizas, Recylart, Brussel/Belfast, 2002)



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