Dans les années 60-70, un certain nombre d’expériences ont marqué la théorie et la pratique psychiatriques. Ces expériences ont pour prémisse l"idée que le trouble mental n"est pas une maladie en soi, mais une forme de réponse d"un individu à une pression psycho-sociale devenue intolérable. Il convient alors d"accompagner le sujet dans son voyage intérieur en étant le plus tolérant et le moins répressif possible. L"antipsychiatrie nie la réalité clinique du trouble mental et considère les réponses médicales qui lui sont apportées (enfermement, chimiothérapie, traitements de chocs) comme inhumaines. Dénonçant la violence de la psychiatrie traditionnelle présentée comme outil de répression sociale, Ronald Laing et David Cooper, deux médecins anglais, fondent à Londres trois lieux d"accueils thérapeutiques, qui auront pour but de responsabiliser les malades dans leur prise en charge et de leur rendre le pouvoir sur leur vie. Pour eux, la maladie mentale naît de l"oppression sociale et familiale. Pour guérir, il faut radicalement changer de modèle social et familial et laisser la maladie évoluer à son point extrême, au lieu de l"arrêter par la prise en charge et le traitement. En France, Jean Oury mène à La Borde une expérience de psychiatrie libérée qui, sous l"influence de Félix Guattari, va devenir perméable aux convulsions politiques extérieures. En Italie, Franco Basaglia, psychiatre à l"hôpital psychiatrique de Trieste est l"inspirateur de la loi qui, en 1978, a fermé les asiles en Italie. Les pratiques antipsychiatriques ont renouvelé le champ de réflexion sur la folie, sur l"opposition entre normalité et pathologie. Elle a largement contribué à vider les hôpitaux psychiatriques, et participé à humaniser les soins. Elle a essaimé dans quantité d"associations et de pratiques alternatives qui ont toujours cours.