Pour cette soirée inédite, la folie appelée "la maladie du vent" nous emmène vers d’autres horizons : en Afrique. Là où les personnes habitées par "les mauvais esprits" ne sont pas exclues de la société. Au contraire, ils en font partie et pour les soigner, il y a des rituels. La folie se soigne en collectivité, par la représentation scénique qu’on en fait et par l’expression corporelle. Ces personnes participent à une cérémonie pour rencontrer des esprits ancestraux. Passant par des sacrifices, des rituels, des danses, etc., ils accèdent à un niveau de transe qui les délivrent de la maladie du vent. Une thérapie qui épate encore toujours beaucoup de médecins occidentaux.
> 20:00 :
+ Les maîtres fous
Jean Rouch, 1955, FR, video, vo
fr
, 36’
Au Ghana, les "houakas" (littéralement, "maître de la folie") sont animés par l’esprit de la force. En 1953, donc avant son indépendance, Jean Rouch a filmé une cérémonie houaka. Les participants sont possédés par des esprits bien fâcheux, ceux des administrateurs coloniaux, et se mettent à imiter l’homme blanc (et sa femme). Ce monument ethnographique plaisait beaucoup aux surréalistes français pour ses images de rituels extatiques, jugées choquantes à l’époque, et pour son analyse marxiste de la situation des colonisés. Caméra à la main, Jean Rouch, qui nous a quittés en février dernier, réalise un portrait mordant de rituels altérés, parodie sanglante des parades officielles et militaires du colonisateur. Au Ghana, les autorités britanniques avaient censuré le film parce qu’il constituait un outrage à la Reine. Les haouka auraient sans doute bien aimé voir le film projeté pendant une de leurs cérémonies de transe, ce dédoublement étant sûrement propice à une rencontre exceptionnelle avec les esprits. Seront-ils parmi nous ce soir ?
+ Le n’doep
Michel Meignant, 1967, FR, video, vo
fr
, 45’
Le rite le plus spectaculaire d’Afrique se joue pendant sept jours et sept nuits, dans la grande banlieue de Dakar. Longue cérémonie magique destinée à la guérison des fous, le n’doep appartient au petit peuple des Lébous, ethnie du Sénégal. La cérémonie se déroule dans la concession de la famille du malade. Le diagnostic s’impose dès lors qu’un membre de la famille est affecté par un comportement anormal, parfaitement codé : frissons, mélancolie, passivité extrême, perte d’appétit. D’eux-mêmes impuissants à soigner ces symptômes avec les antidépresseurs, les médecins formés à l’occidentale orientent volontiers ces "déprimés à l’africaine" vers le traitement traditionnel. Il s’agit de "guérisseuses". Le rite du n’doep appartient aux femmes, et à elles seules. Une rencontre de la médecine occidentale et le rituel thérapeutique du n’doep.
+ Rencontre :
Ces deux films documents seront présentés par deux experts des rituels d’Afrique noire : Michel Meignant, ami de Jean Rouch, réalisateur de films médicaux et thérapeute, et Philippe Woitchik, ethnothérapeute et psychologue. Ils nous parleront de ces cérémonies en tant que thérapies, ce qu’elles représentent pour les Africains et leur rôle dans les approches ethnopsychiatriques occidentales.
> 22:00 :
Rencontre :
Dans la seconde partie, nous accueillerons Olivier Ralet, philosophe et spécialiste des rituels d’Afrique du Nord, qui nous fera découvrir des extraits filmés par Tony Gatlif ("Exil") d’une cérémonie des Hamadcha (Maroc). Il nous expliquera les différents rites de cette cérémonie, qui est fort semblable à celle des Gnawa, et ses effets thérapeutiques.
+ Concert Gnawa : Oualad Bambara
"Le monde invisible des musulmans partage avec celui des juifs et des chrétiens d’être peuplé d’anges, de prophètes, de saints et de démons, mais a ceci de particulier qu’il compte également des entités spirituelles qui, comme les humains, balancent entre le Bien et le Mal : les djinns. Ils ont la capacité "d’habiter" des êtres humains, ce qu’en français on nomme "possession". Cela peut occasionner des troubles comme la stérilité, l’impuissance, des paralysies, ou simplement des angoisses et des insomnies. Ces êtres invisibles ont une couleur et une odeur préférées, et chacun d’eux a un air de musique qui l’attire irrésistiblement. Dès ses débuts, l’islam a développé une tendance mystique appelée soufisme, organisée en "Voies" où l’on invoque Dieu. Certaines parmi les plus populaires de ces Voies, comme les Gnawa et les Hamadcha, se sont spécialisées dans des rituels où par les couleurs, les odeurs et surtout la musique, on "convoque" les djinns - c’est-à-dire que l’on provoque des transes de possession - dans le but de négocier avec eux qu’ils cessent de tourmenter les humains qu’ils habitent" (Olivier Ralet).
Des odeurs et des couleurs, une musique qui attire, voilà "Oulad Bambara" au Nova. Ce groupe Gnawa originaire du Maroc, avec son guembri (instrument à cordes et percussion), ses krakebs (sorte de castagnettes en métal) et ses tambours, viendra présenter sa musique rituelle : "La Lila" (La nuit). Des chants arabes sur des rythmes répétitifs africains, de la danse et des vibrations... cela sans fin. Cette musique de transe éveillera peut-être les invisibles. Ne les ratez pas !
http://www.membres.lycos.fr/ouladbambara/