prog: 638
squelettes/rubrique-3.html

Ethnopsychiatry

L’ethnopsychiatrie est une méthode d’investigation qui s’efforce de comprendre la dimension ethnique des troubles mentaux. Georges Devereux, le précurseur dans ce domaine, considérait que si les maladies mentales et le fonctionnement du psychisme et de l’inconscient sont universels, c’est toutefois dans un code culturel spécifique que s’expriment les maladies et que se déroulent les psychothérapies. Ainsi, par exemple, les migrants sont des personnes dont les problèmes ne peuvent éventuellement pas se comprendre par les voies habituelles de la psychiatrie. Pour les aider, l’ethnopsychiatrie prend en compte aussi bien leur histoire individuelle que l’ensemble des représentations culturelles associées à leur problème. Les équipes soignantes comprennent des membres de la même origine que le patient (co-thérapeutes, traducteur, anthropologue), ce qui leur permet de se placer dans son contexte culturel et de travailler dans sa langue d’origine. Le thérapeute principal fait une proposition thérapeutique en fin de séance : il peut ainsi proposer au patient et à son entourage une tâche ou un rituel à accomplir d’ici à la prochaine séance. Cette approche ne se limite pas à la redécouverte de la médecine populaire ou de la pharmacopée folklorique : elle interroge à la fois la dimension ethnique de la folie et la dimension psychiatrique de la culture ; elle nous sensibilise à l’importance de la dynamique du groupe et de ses relations pour comprendre le malade et sa maladie. De nombreuses consultations se sont ouvertes un peu partout, le plus souvent au sein de cadres institutionnels ou hospitaliers, à la suite des travaux théoriques et méthodologiques de Georges Devereux et des études cliniques et des propositions techniques de Toby Nathan, à Paris.



Jouko Aaltonen, 2000, FI, 35mm, vo st ang, 72

Kusum est une jolie adolescente de New Delhi qui semble atteinte d’un profond abattement sans qu’elle puisse en exprimer la raison. Ses parents la conduisent chez le médecin, à l’hôpital,... Rien n’y fait. Un guérisseur traditionnel conseille alors de l’emmener dans un village éloigné où subsiste une vieille querelle familiale. Dans le temple du village, une grande cérémonie est organisée au cours de laquelle les fidèles entrent en possession. Quelques temps après, on commence à noter chez Kusum les premiers changements... "Kusum" est un film bouleversant par sa capacité à nous faire entrer dans l’intimité d’une famille indienne désemparée ainsi qu’un remarquable document ethno-psychiatrique sur un processus thérapeutique. Après la vision de ce film, on ne peut que porter un regard différent sur la médecine traditionnelle et sur le culte des ancêtres. Rarement montré dans nos contrées - mis à part Kaurismaki -, le cinéma finlandais possède une excellente tradition documentaire. Plutôt classiques dans leur réalisation, ces films sont très bien construits d’un point de vue narratif et très bien filmés (souvent sur support argentique). "Kusum" de Jouko Aaltonen ne fait pas exception.

14.11 > 18:00


Pour cette soirée inédite, la folie appelée "la maladie du vent" nous emmène vers d’autres horizons : en Afrique. Là où les personnes habitées par "les mauvais esprits" ne sont pas exclues de la société. Au contraire, ils en font partie et pour les soigner, il y a des rituels. La folie se soigne en collectivité, par la représentation scénique qu’on en fait et par l’expression corporelle. Ces personnes participent à une cérémonie pour rencontrer des esprits ancestraux. Passant par des sacrifices, des rituels, des danses, etc., ils accèdent à un niveau de transe qui les délivrent de la maladie du vent. Une thérapie qui épate encore toujours beaucoup de médecins occidentaux.

> 20:00 :

+ Les maîtres fous

Jean Rouch, 1955, FR, video, vo fr , 36

Au Ghana, les "houakas" (littéralement, "maître de la folie") sont animés par l’esprit de la force. En 1953, donc avant son indépendance, Jean Rouch a filmé une cérémonie houaka. Les participants sont possédés par des esprits bien fâcheux, ceux des administrateurs coloniaux, et se mettent à imiter l’homme blanc (et sa femme). Ce monument ethnographique plaisait beaucoup aux surréalistes français pour ses images de rituels extatiques, jugées choquantes à l’époque, et pour son analyse marxiste de la situation des colonisés. Caméra à la main, Jean Rouch, qui nous a quittés en février dernier, réalise un portrait mordant de rituels altérés, parodie sanglante des parades officielles et militaires du colonisateur. Au Ghana, les autorités britanniques avaient censuré le film parce qu’il constituait un outrage à la Reine. Les haouka auraient sans doute bien aimé voir le film projeté pendant une de leurs cérémonies de transe, ce dédoublement étant sûrement propice à une rencontre exceptionnelle avec les esprits. Seront-ils parmi nous ce soir ?

+ Le n’doep

Michel Meignant, 1967, FR, video, vo fr , 45

Le rite le plus spectaculaire d’Afrique se joue pendant sept jours et sept nuits, dans la grande banlieue de Dakar. Longue cérémonie magique destinée à la guérison des fous, le n’doep appartient au petit peuple des Lébous, ethnie du Sénégal. La cérémonie se déroule dans la concession de la famille du malade. Le diagnostic s’impose dès lors qu’un membre de la famille est affecté par un comportement anormal, parfaitement codé : frissons, mélancolie, passivité extrême, perte d’appétit. D’eux-mêmes impuissants à soigner ces symptômes avec les antidépresseurs, les médecins formés à l’occidentale orientent volontiers ces "déprimés à l’africaine" vers le traitement traditionnel. Il s’agit de "guérisseuses". Le rite du n’doep appartient aux femmes, et à elles seules. Une rencontre de la médecine occidentale et le rituel thérapeutique du n’doep.

+ Rencontre :
Ces deux films documents seront présentés par deux experts des rituels d’Afrique noire : Michel Meignant, ami de Jean Rouch, réalisateur de films médicaux et thérapeute, et Philippe Woitchik, ethnothérapeute et psychologue. Ils nous parleront de ces cérémonies en tant que thérapies, ce qu’elles représentent pour les Africains et leur rôle dans les approches ethnopsychiatriques occidentales.

> 22:00 :

Rencontre :
Dans la seconde partie, nous accueillerons Olivier Ralet, philosophe et spécialiste des rituels d’Afrique du Nord, qui nous fera découvrir des extraits filmés par Tony Gatlif ("Exil") d’une cérémonie des Hamadcha (Maroc). Il nous expliquera les différents rites de cette cérémonie, qui est fort semblable à celle des Gnawa, et ses effets thérapeutiques.

+ Concert Gnawa : Oualad Bambara
"Le monde invisible des musulmans partage avec celui des juifs et des chrétiens d’être peuplé d’anges, de prophètes, de saints et de démons, mais a ceci de particulier qu’il compte également des entités spirituelles qui, comme les humains, balancent entre le Bien et le Mal : les djinns. Ils ont la capacité "d’habiter" des êtres humains, ce qu’en français on nomme "possession". Cela peut occasionner des troubles comme la stérilité, l’impuissance, des paralysies, ou simplement des angoisses et des insomnies. Ces êtres invisibles ont une couleur et une odeur préférées, et chacun d’eux a un air de musique qui l’attire irrésistiblement. Dès ses débuts, l’islam a développé une tendance mystique appelée soufisme, organisée en "Voies" où l’on invoque Dieu. Certaines parmi les plus populaires de ces Voies, comme les Gnawa et les Hamadcha, se sont spécialisées dans des rituels où par les couleurs, les odeurs et surtout la musique, on "convoque" les djinns - c’est-à-dire que l’on provoque des transes de possession - dans le but de négocier avec eux qu’ils cessent de tourmenter les humains qu’ils habitent" (Olivier Ralet).

Des odeurs et des couleurs, une musique qui attire, voilà "Oulad Bambara" au Nova. Ce groupe Gnawa originaire du Maroc, avec son guembri (instrument à cordes et percussion), ses krakebs (sorte de castagnettes en métal) et ses tambours, viendra présenter sa musique rituelle : "La Lila" (La nuit). Des chants arabes sur des rythmes répétitifs africains, de la danse et des vibrations... cela sans fin. Cette musique de transe éveillera peut-être les invisibles. Ne les ratez pas !

http://www.membres.lycos.fr/ouladbambara/

03.12 > 20:00 + 03.12 > 22:00


*Le sexe des morts
Emmanuelle Ohniguian & Tobie Nathan, F, vo fr, Beta SP, 2002, 2 x 50’*

"Nous ne sommes pas seuls au monde. Il existe d’autres pensées que la nôtre, d’autres façons de faire pour prendre en charge les douleurs de l’existence. Nous ne sommes pas seuls au monde. C’est par cette formule qu’en Afrique de l’Ouest, on reconnaît l’action des esprits qui viennent perturber la vie des humains" (Tobie Nathan). L’ethnopsychiatrie est un "art de l’influence", une médiation avec les ombres, les ancêtres, les esprits, et les dieux... Elle permet de penser la souffrance de ceux qui viennent en consultation à partir de leur propre langue et de leurs propres objets. Nous avons ici la chance de voir la reconstitution de deux consultations (initialement destinée uniquement aux étudiants) d’une famille réunionnaise par Tobie Nathan et son équipe selon le dispositif ethnopsychiatrique. Deux séances comme elles sont menées tous les jours depuis 1993 au centre Devereux à l’Université Paris VIII. Loin des polémiques sulfureuses suscitées par cette pratique, ce film est un étonnant et passionnant témoignage de cette méthode. Sommes-nous, nous aussi, prêts à prendre en compte le grand-père, mort et enterré qui revient hanter cette famille réunionnaise... et nous invite à de nouvelles possibilités de penser. Nous invite à négocier collectivement avec les "invisibles".

+ Rencontre :
Dominique Vossen, médecin psychiatre, nous parlera de Tobie Nathan et du travail de l’ethnothérapeute.

28.11 > 18:00


Pour cette soirée inédite, la folie appelée "la maladie du vent" nous emmène vers d’autres horizons : en Afrique. Là où les personnes habitées par "les mauvais esprits" ne sont pas exclues de la société. Au contraire, ils en font partie et pour les soigner, il y a des rituels. La folie se soigne en collectivité, par la représentation scénique qu’on en fait et par l’expression corporelle. Ces personnes participent à une cérémonie pour rencontrer des esprits ancestraux. Passant par des sacrifices, des rituels, des danses, etc., ils accèdent à un niveau de transe qui les délivrent de la maladie du vent. Une thérapie qui épate encore toujours beaucoup de médecins occidentaux.

> 20:00 :

+ Les maîtres fous

Jean Rouch, 1955, FR, video, vo fr , 36

Au Ghana, les "houakas" (littéralement, "maître de la folie") sont animés par l’esprit de la force. En 1953, donc avant son indépendance, Jean Rouch a filmé une cérémonie houaka. Les participants sont possédés par des esprits bien fâcheux, ceux des administrateurs coloniaux, et se mettent à imiter l’homme blanc (et sa femme). Ce monument ethnographique plaisait beaucoup aux surréalistes français pour ses images de rituels extatiques, jugées choquantes à l’époque, et pour son analyse marxiste de la situation des colonisés. Caméra à la main, Jean Rouch, qui nous a quittés en février dernier, réalise un portrait mordant de rituels altérés, parodie sanglante des parades officielles et militaires du colonisateur. Au Ghana, les autorités britanniques avaient censuré le film parce qu’il constituait un outrage à la Reine. Les haouka auraient sans doute bien aimé voir le film projeté pendant une de leurs cérémonies de transe, ce dédoublement étant sûrement propice à une rencontre exceptionnelle avec les esprits. Seront-ils parmi nous ce soir ?

+ Le n’doep

Michel Meignant, 1967, FR, video, vo fr , 45

Le rite le plus spectaculaire d’Afrique se joue pendant sept jours et sept nuits, dans la grande banlieue de Dakar. Longue cérémonie magique destinée à la guérison des fous, le n’doep appartient au petit peuple des Lébous, ethnie du Sénégal. La cérémonie se déroule dans la concession de la famille du malade. Le diagnostic s’impose dès lors qu’un membre de la famille est affecté par un comportement anormal, parfaitement codé : frissons, mélancolie, passivité extrême, perte d’appétit. D’eux-mêmes impuissants à soigner ces symptômes avec les antidépresseurs, les médecins formés à l’occidentale orientent volontiers ces "déprimés à l’africaine" vers le traitement traditionnel. Il s’agit de "guérisseuses". Le rite du n’doep appartient aux femmes, et à elles seules. Une rencontre de la médecine occidentale et le rituel thérapeutique du n’doep.

+ Rencontre :
Ces deux films documents seront présentés par deux experts des rituels d’Afrique noire : Michel Meignant, ami de Jean Rouch, réalisateur de films médicaux et thérapeute, et Philippe Woitchik, ethnothérapeute et psychologue. Ils nous parleront de ces cérémonies en tant que thérapies, ce qu’elles représentent pour les Africains et leur rôle dans les approches ethnopsychiatriques occidentales.

> 22:00 :

Rencontre :
Dans la seconde partie, nous accueillerons Olivier Ralet, philosophe et spécialiste des rituels d’Afrique du Nord, qui nous fera découvrir des extraits filmés par Tony Gatlif ("Exil") d’une cérémonie des Hamadcha (Maroc). Il nous expliquera les différents rites de cette cérémonie, qui est fort semblable à celle des Gnawa, et ses effets thérapeutiques.

+ Concert Gnawa : Oualad Bambara
"Le monde invisible des musulmans partage avec celui des juifs et des chrétiens d’être peuplé d’anges, de prophètes, de saints et de démons, mais a ceci de particulier qu’il compte également des entités spirituelles qui, comme les humains, balancent entre le Bien et le Mal : les djinns. Ils ont la capacité "d’habiter" des êtres humains, ce qu’en français on nomme "possession". Cela peut occasionner des troubles comme la stérilité, l’impuissance, des paralysies, ou simplement des angoisses et des insomnies. Ces êtres invisibles ont une couleur et une odeur préférées, et chacun d’eux a un air de musique qui l’attire irrésistiblement. Dès ses débuts, l’islam a développé une tendance mystique appelée soufisme, organisée en "Voies" où l’on invoque Dieu. Certaines parmi les plus populaires de ces Voies, comme les Gnawa et les Hamadcha, se sont spécialisées dans des rituels où par les couleurs, les odeurs et surtout la musique, on "convoque" les djinns - c’est-à-dire que l’on provoque des transes de possession - dans le but de négocier avec eux qu’ils cessent de tourmenter les humains qu’ils habitent" (Olivier Ralet).

Des odeurs et des couleurs, une musique qui attire, voilà "Oulad Bambara" au Nova. Ce groupe Gnawa originaire du Maroc, avec son guembri (instrument à cordes et percussion), ses krakebs (sorte de castagnettes en métal) et ses tambours, viendra présenter sa musique rituelle : "La Lila" (La nuit). Des chants arabes sur des rythmes répétitifs africains, de la danse et des vibrations... cela sans fin. Cette musique de transe éveillera peut-être les invisibles. Ne les ratez pas !

http://www.membres.lycos.fr/ouladbambara/

03.12 > 20:00 + 03.12 > 22:00


Jouko Aaltonen, 2000, FI, 35mm, vo st ang, 72

Kusum est une jolie adolescente de New Delhi qui semble atteinte d’un profond abattement sans qu’elle puisse en exprimer la raison. Ses parents la conduisent chez le médecin, à l’hôpital,... Rien n’y fait. Un guérisseur traditionnel conseille alors de l’emmener dans un village éloigné où subsiste une vieille querelle familiale. Dans le temple du village, une grande cérémonie est organisée au cours de laquelle les fidèles entrent en possession. Quelques temps après, on commence à noter chez Kusum les premiers changements... "Kusum" est un film bouleversant par sa capacité à nous faire entrer dans l’intimité d’une famille indienne désemparée ainsi qu’un remarquable document ethno-psychiatrique sur un processus thérapeutique. Après la vision de ce film, on ne peut que porter un regard différent sur la médecine traditionnelle et sur le culte des ancêtres. Rarement montré dans nos contrées - mis à part Kaurismaki -, le cinéma finlandais possède une excellente tradition documentaire. Plutôt classiques dans leur réalisation, ces films sont très bien construits d’un point de vue narratif et très bien filmés (souvent sur support argentique). "Kusum" de Jouko Aaltonen ne fait pas exception.

14.11 > 18:00


Ethnopsychiatrie

Le sexe des morts

Emmanuelle Ohniguian & Tobie Nathan, 2002, FR, video, vo, 2 x 50

"Nous ne sommes pas seuls au monde. Il existe d’autres pensées que la nôtre, d’autres façons de faire pour prendre en charge les douleurs de l’existence. Nous ne sommes pas seuls au monde. C’est par cette formule qu’en Afrique de l’Ouest, on reconnaît l’action des esprits qui viennent perturber la vie des humains" (Tobie Nathan). L’ethnopsychiatrie est un "art de l’influence", une médiation avec les ombres, les ancêtres, les esprits, et les dieux... Elle permet de penser la souffrance de ceux qui viennent en consultation à partir de leur propre langue et de leurs propres objets. Nous avons ici la chance de voir la reconstitution de deux consultations (initialement destinée uniquement aux étudiants) d’une famille réunionnaise par Tobie Nathan et son équipe selon le dispositif ethnopsychiatrique. Deux séances comme elles sont menées tous les jours depuis 1993 au centre Devereux à l’Université Paris VIII. Loin des polémiques sulfureuses suscitées par cette pratique, ce film est un étonnant et passionnant témoignage de cette méthode. Sommes-nous, nous aussi, prêts à prendre en compte le grand-père, mort et enterré qui revient hanter cette famille réunionnaise... et nous invite à de nouvelles possibilités de penser. Nous invite à négocier collectivement avec les "invisibles".

+ Rencontre :
Dominique Vossen, médecin psychiatre, nous parlera de Tobie Nathan et du travail de l’ethnothérapeute.

28.11 > 18:00


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pos: aval