Cette année, le 7e Parallèle dirige son regard vers l"Est, et plus particulièrement sur la production fantastique de deux pays- entretemps devenus trois-, la Pologne et la Tchécoslovaquie, "jadis" à l’ombre du Rideau de Fer qui sont membres de l"Union Européenne.
Quand on parle de cinéma d"Europe de l"Est, on ne pense pas immédiatement au cinéma de genre. En comparaison avec son homologue occidental, le cinéma fantastique de ces pays est un territoire encore peu défriché et donc souvent méconnu. Et cela n"a pas été sans raison. Tout d"abord, l"industrie cinématographique des pays du Bloc soviétique, sous l"influence de l"URSS, n"a connu un véritable essor qu"à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. L"omniprésence de l"idéologie communiste excluait alors quasi totalement toute forme d"irrationnel et donc de fantastique. Qui plus est, la "Nouvelle Vague" qui s"est développée dans l’après-guerre s"est davantage intéressée au néoréalisme où le questionnement du quotidien et du Réel prédominent. C"est principalement cette "Nouvelle Vague" qui a été reconnue et distribuée en Occident. Des réalisateurs comme Andrzej Wajda, Andrzej Munk, Roman Polanski, Milos Forman et Jan Nemec n"ont pas seulement parcouru les festivals internationaux, certains ont préféré émigrer de l"autre côté de la frontière idéologique.
Pourtant, le genre fantastique a toujours été présent en Europe centrale, ne fût-ce qu"à travers les traditions judéo-slaves où les légendes du Dybbuk et du Golem font partie de l"inconscient collectif. On ne peut non plus nier une longue tradition de la littérature fantastique : le "Manuscrit trouvé à Saragosse" du Comte Potocki reste une référence, autant que les travaux d"écrivains polonais tels que Bruno Schultz et Stanislam Lem, auteur entre autres du classique de la science-fiction "Solaris". Cela sans oublier le mouvement surréaliste qui a connu, de Prague (Kafka) à Saint-Petersbourg (Gogol), quelques sommets du genre.
De nombreux films fantastiques polonais et tchècoslovaques sont des adaptations de ces oeuvres littéraires ou s"en inspirent. Le théâtre et les films d"animation de marionnettes (on pense notamment aux oeuvres de Svankmajer) ont eu également une grande influence.
Le genre a régulièrement servi de véhicule à une critique cachée du système socio-économique en place, la censure de l"Etat interdisant toute forme de critique frontale des autorités. C"est principalement une science-fiction, assez éloignée des romans utopiques de H.G. Wells, George Orwell et Aldous Huxley, qui s"y est le mieux prêtée. Les meilleurs films du genre dépassent plutôt les particularismes politiques et plongent plus profondément dans la culture et l"histoire de l"Europe Centrale. On y retrouve typiquement un goût pour l"humour noir, un style lyrique et éthéré, et une manière subtile et inventive d"aborder l"horreur et l"étrange. A travers cette rétrospective, nous proposerons une sélection issue de cette production : 17 petites perles, distribuées en 15 projections, où on pourra voir pêle-mêle de la science-fiction provocante, des satires surréalistes, des allégories absurdes et de ténébreuses fantaisies.