Lorsque le PleinOPENair a commencé à sillonner Bruxelles à la fin des années 90, il aimait s’arrêter sur les terrains vagues qui y proliféraient. Il suffisait d’installer un écran de cinéma et quelques lampions pour voir soudainement ces lieux, habituellement perçus négativement, s’animer, prendre un relief inattendu. Le PleinOPENair engageait une vision politique de ces espaces comme lieux à investir, non pas par des promoteurs, mais comme territoires aux vies et aux usages multiples.
Au fil des années, il a bien fallu se rendre à l’évidence : l’un après l’autre, les terrains vagues disparaissaient des quartiers centraux, mais dans la plupart des cas c’étaient des immeubles de bureaux, galeries de standing, hôtels ou logements de luxe qui y poussaient. Avec une régularité telle, qu’il y avait de quoi en devenir superstitieux.
Privés de ces interstices au coeur de la ville, le festival de plein air du cinéma Nova s’est mis, comme de nombreux habitants, à chercher en périphérie de la ville ce qu’il ne trouvait plus en son centre. Il s’est peu à peu éloigné, suivant en cela l’évolution urbanistique de Bruxelles.
Pourtant à quelques pas de ce coeur urbain de plus en plus froid, la vie tressaille encore, le sang circule et les terrains aux destinées incertaines sont toujours là tantôt assoupis, tantôt en pleine activité en bordure du canal. Lors de nos repérages, nous avons retrouvé le plaisir de visiter des friches, à comprendre d’où elles venaient et à nous interroger sur leur devenir. L’ampleur de ce qui se trame là nous a interpellé. Nous redécouvrions le sens d’un Bruxelles comme ville industrielle, non pas par nostalgie du passé, mais comme moyen de préserver une ville habitée plutôt que possédée. Mais c’est être à contre courant de la "tendance" actuelle, qui emprunte une toute autre voie. Aveuglés par l’appât du gain, investisseurs privés et pouvoirs publics poussent une vague immobilière qui risque d’engloutir de façon irrévocable l’accès à la voie d’eau pour transformer le canal en marina, ses rives populaires en lieux de villégiature pour nantis, ses bâtiments industriels en lofts, ses péniches en bateaux de plaisance et les oeufs de lombe en caviar...
Pourtant, le canal ce n’est pas la KBC, Tour & Taxis et Bruxelles-les-Bains. Ce sont des péniches, des matériaux et des matières premières qui servent la ville et ses habitants. Ce sont des emplois pour des milliers de Bruxellois. C’est un bras d’eau qui vaut des dizaines d’autoroutes, un outil imparable pour acheminer des marchandises dans un contexte où le pétrole devient rare et impayable ! C’est aussi et surtout des quartiers d’accueil pour des habitants qui cherchent des logements abordables. Ce sont ces fonctions qu’il faut préserver et amplifier, ce que le PleinOPENair tient à mettre en lumière et à fêter cet été…