"Ces enfants qui viennent à vous avec des couteaux - ils sont vos enfants. C’est vous qui leur avez appris...". La phrase de Charles Manson et le tournant de l’été 69 sonnent le glas du rêve hippie de l’été de l’amour, suivi de décennies de crises économiques, de cynisme, de spectacle et de publicité. Dans les visions sous LSD les démons ricanants remplacent les fleurs niaises, la publicité remplace la propagande totalitaire, le tertiaire remplace peu à peu le Moloch de la puissance industrielle. "Plus de poésie après Auschwitz" disait Theodor Adorno. Au tournant de cette époque, certains relèvent le défi par la création, avec une violence, une (im)pertinence mettant à bas toutes les vaines constructions d’un monde englué dans le spectacle, la culture et la consommation pour tous. Non sans ironie, s’armant du slogan "Industrial Music for Industrial People", ils assument le déclin et choisissent de deux maux le meilleur. Avec une liberté et une absence de règles rappelant les dadaïstes, ils créent des images, sons, créations parmi les plus extrêmes jamais réalisés, devenant à la fois miroir du monde dans ce qu’il a de plus durement réel, et armes pour en saper les fondements. Dites adieu au rock & roll. Dans la "musique industrielle" réside la force de danser sans illusion. En sortent des expériences électroniques radicales, des percussions primales, tribales ou guerrières, flashs et intérêt pour les méthodes de manipulations psychiques, utilisation de samples, du cut-up et d’enregistrements revisités, en musique comme en images, et un rapport à la représentation et à l’information hérité de la description radicale de "La société du spectacle". Le punk est en révolte : la musique industrielle est en guerre, et aiguise ses armes. Mais si le fond est négatif, le positif est dans l’élan créateur, l’explosion de musiques, films et nouvelles formes faisant danser la réalité. "La beauté sera convulsive ou ne sera pas" disait André Breton. Cette programmation propose un panorama de cette "nouvelle" manière d’appréhender le réel et la société, des précurseurs à des créations plus récentes, sous l’angle du cinéma, mais aussi via des documents, concerts, et un atelier de percussions. Aujourd’hui, certains de ces artistes ont changés, tandis que d’autres restent fidèles à leur impulsion primitive, les archives de cette époque déjà ancienne prennent la poussière et de nouvelles choses informes émergent un peu partout. Mais une chose est sure, le monde est encore en crise, et nous sommes toujours après Auschwitz.