Juillet 1841, un homme semble perdu dans une forêt du centre de l’Angleterre. John Clare, poète romantique important du XIXe siècle, vient de fuir l’hôpital psychiatrique de Northampton, à la recherche de son amour de jeunesse, Mary Joyce. Cette fugue lui fera parcourir près de 130 km en 4 jours, périple qu’il retranscrira une fois reconduit à l’asile où il mourra en 1864. Andrew Kötting reconstitue librement la brève échappée de John Clare dans la campagne anglaise d’aujourd’hui, prétexte pour composer un portrait captivant où fiction et documentaire sont sans frontières. Énigmatique dès ses premières images d’un noir et blanc stylisé, pourvu d’une bande sonore riche et fascinante, le film évoque l’introspection d’un poète atteint de délires paraphréniques et de troubles de la personnalité. Scènes de visions ou d’écoutes hallucinées, reconstitutions anachroniques, conversations plaisantes ou lectures improvisées sont constamment traversées par une mise en abîme du tournage même, et ses impromptus, réinventant avec malice le documentaire biographique.
La beauté profonde de l’écriture de John Clare n’est pas en reste, le plus souvent mise en valeur par la voix gutturale de Freddie Jones (acteur fétiche de David Lynch). C’est d’ailleurs son fils, Toby Jones, qui incarne un John Clare mutique à l’écran. Parmi les autres complices du voyage, on croise Alan Moore, célèbre scénariste de BD originaire de Northampton — qu’il décrit tel un "trou noir culturel" dont on ne s’échappe pas. Ou encore Iain Sinclair, romancier et co-scénariste du film, affublé d’un masque de bouc. Eden, la fille de Kötting, fait aussi des apparitions singulières filmées en Super 8 couleur, en compagnie d’un ours de paille, figure du folklore local…
Au bout de la route, ce film libre et enchanteur réussit, via son expérience sensorielle et ses personnages attachants, à rendre familier le poète déchu, sans pour autant le déchiffrer totalement. À découvrir en exclusivité au Nova !