Lorsque nous avons découvert "L’usine de rien", film d’une liberté formelle et d’une intelligence politique rares, l’idée de lui donner une place dans la programmation du Nova ne pouvait se faire sans étancher notre curiosité. Qui est donc le cinéaste, et quel a été le processus de fabrication derrière un film si stimulant et singulier ? Nous nous sommes donc intéressés aux précédents films de Pedro Pinho : "Bab Sebta", "Um fim do mundo" et "As Cidades e as trocas", trois documentaires où apparaissent déjà le regard du cinéaste et sa sensibilité sociale, mais qui ne laissaient pas encore présager l’aboutissement de cette espèce de comédie musicale néoréaliste. Et nous avons découvert Terratreme, la structure qui a produit "L’usine de rien" et dont Pedro Pinho est l’un des fondateurs. Basé à Lisbonne, Terratreme fonctionne depuis 2008 comme un collectif de production cinématographique "né du désir ardent de six jeunes réalisateurs et producteurs de développer un modèle de production adaptable aux singularités de chaque film". Leur but est d’associer la recherche et la création, en inventant une méthode de travail où ce sont les besoins du film qui déterminent le modèle de production, et non l’inverse. Cette manière de travailler résonne au Nova, qui fonctionne en collectif depuis tout juste 22 ans. Comme dans le film éponyme de Luchino Visconti ("La Terre tremble"), où un groupe de pêcheurs s’unit pour acheter un bateau et arrêter de dépendre du propriétaire qui les embauche, Terratreme envisage la production comme une variable esthétique fondamentale dans la façon dont un film se fabrique, et considère que seule l’implication directe des réalisateurs dans l’ensemble du processus de production peut contribuer à faire exister le film escompté. Tour à tour, les membres de Terratreme sont ainsi réalisateur, chef opérateur, producteur, scénariste ou monteur sur les films de leurs comparses. Ainsi, "L’usine de rien" est présenté comme "un film de João Matos, Leonor Noivo, Luisa Homem, Pedro Pinho, Tiago Hespanha, réalisé par Pedro Pinho". Et on peut voir, dans cette fiction collective, s’entrecroiser deux nécessités : celle des ouvriers de s’organiser autrement pour survivre dans une époque qui les nie, et celle de cinéastes voulant continuer à faire des films parfaitement libres. Nous vous proposons donc, autour de "L’usine de rien", de découvrir les précédents films de Pedro Pinho (qui sera parmi nous pendant la première semaine de ce programme) et une petite sélection de longs et courts métrages réalisés et produits dans ce cadre hors du commun.